Applicabilité des textes nationaux en Polynésie française
- Applicabilité

Sommaire
Le cadre juridique du statut d'autonomie
La répartition des compétences
Les textes juridiques applicables en Polynésie française émanent soit de la collectivité de Polynésie française, soit de l'État, selon la répartition des compétences précitée. Celle-ci est éclairée par la jurisprudence du Conseil constitutionnel et celle du Conseil d'État.
Pour ce qui concerne les textes relevant de la compétence de l'État, il peuvent émaner :
- du Gouvernement (décrets, arrêtés, ordonnances) ou du Parlement ;
- des autorités déconcentrées telles que le haut-commissaire.
Conformément à l'article 14 de la loi organique :
Les autorités de l'Etat sont compétentes dans les seules matières suivantes :
1° Nationalité ; droits civiques ; droit électoral ; droits civils, état et capacité des personnes, notamment actes de l'état civil, absence, mariage, divorce, filiation ; autorité parentale ; régimes matrimoniaux, successions et libéralités ;
2° Garantie des libertés publiques ; justice : organisation judiciaire, aide juridictionnelle, organisation de la profession d'avocat, à l'exclusion de toute autre profession juridique ou judiciaire, droit pénal, procédure pénale, commissions d'office, service public pénitentiaire, services et établissements d'accueil des mineurs délinquants sur décision judiciaire, procédure administrative contentieuse, frais de justice pénale et administrative (1) ;
3° Politique étrangère ;
4° Défense ; importation, commerce et exportation de matériel militaire, d'armes et de munitions de toutes catégories ; matières premières stratégiques telles qu'elles sont définies pour l'ensemble du territoire de la République, à l'exception des hydrocarbures liquides et gazeux ; liaisons et communications gouvernementales de défense ou de sécurité en matière de postes et télécommunications ;
5° Entrée et séjour des étrangers, à l'exception de l'accès au travail des étrangers ;
6° Sécurité et ordre publics, notamment maintien de l'ordre ; prohibitions à l'importation et à l'exportation qui relèvent de l'ordre public et des engagements internationaux ratifiés par la France ; réglementation des fréquences radioélectriques ; préparation des mesures de sauvegarde, élaboration et mise en oeuvre des plans opérationnels et des moyens de secours nécessaires pour faire face aux risques majeurs et aux catastrophes ; coordination et réquisition des moyens concourant à la sécurité civile ;
7° Monnaie ; crédit ; change ; Trésor ; marchés financiers ; obligations relatives à la lutte contre la circulation illicite et le blanchiment des capitaux ;
8° Autorisation d'exploitation des liaisons aériennes entre la Polynésie française et tout autre point situé sur le territoire de la République, à l'exception de la partie de ces liaisons située entre la Polynésie française et tout point d'escale situé en dehors du territoire national, sans préjudice des dispositions du 6° du I de l'article 21 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie ; approbation des programmes d'exploitation et des tarifs correspondants ; police et sécurité concernant l'aviation civile ;
9° Police et sécurité de la circulation maritime ; surveillance de la pêche maritime ; sécurité de la navigation et coordination des moyens de secours en mer ; francisation des navires ; sécurité des navires d'une longueur de référence égale ou supérieure à 24 mètres, sous réserve des navires relevant de la compétence de la Polynésie française à la date d'entrée en vigueur de la loi organique n° 2019-706 du 5 juillet 2019 portant modification du statut d'autonomie de la Polynésie française et de tous les navires destinés au transport des passagers ; mise en oeuvre des ouvrages et installations aéroportuaires d'intérêt national ;
10° Règles relatives à l'administration, à l'organisation et aux compétences des communes, de leurs groupements et de leurs établissements publics ; coopération intercommunale ; contrôle des actes des communes, de leurs groupements et de leurs établissements publics ; régime comptable et financier et contrôle budgétaire de ces collectivités ; fonction publique communale ; domaine public communal ; dénombrement de la population ;
11° Fonction publique civile et militaire de l'Etat ; statut des autres agents publics de l'Etat ; domaine public et privé de l'Etat et de ses établissements publics ; marchés publics et délégations de service public de l'Etat et de ses établissements publics ;
12° Communication audiovisuelle ;
13° Enseignement universitaire ; recherche ; collation et délivrance des grades, titres et diplômes nationaux ; règles applicables aux personnels habilités des établissements d'enseignement privés liés par contrat à des collectivités publiques pour l'accomplissement de missions d'enseignement en ce qu'elles procèdent à l'extension à ces personnels des dispositions concernant les enseignants titulaires de l'enseignement public, y compris celles relatives aux conditions de service et de cessation d'activité, aux mesures sociales, aux possibilités de formation et aux mesures de promotion et d'avancement.
Les compétences de l'Etat définies au présent article s'exercent sous réserve des pouvoirs conférés aux institutions de la Polynésie française par les dispositions de la section 2 du présent chapitre et du titre IV, et de la participation de la Polynésie française aux compétences de l'Etat en application des dispositions de la section 3 du présent chapitre.
Le principe de spécialité législative
Il existe deux schémas-types dans les outre-mer français :
Conséquences | Collectivités concernées | |
---|---|---|
Identité législative | la législation et la réglementation hexagonales s'appliquent sauf exception | Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte, La Réunion, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon |
Spécialité législative | la législation et la réglementation hexagonales ne s'appliquent pas sauf exception | Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Terres australes et antarctiques françaises, îles Wallis-et-Futuna |
Conformément à l'article 74 de la Constitution :
Ce statut est défini par une loi organique, adoptée après avis de l'assemblée délibérante, qui fixe :
-les conditions dans lesquelles les lois et règlements y sont applicables ; [...]
L'application des lois et règlements depuis 2004
Depuis 2004, c'est l'article 7 de la loi organique du 27 février 2004 qui fixe ces conditions d'application pour ce qui concerne la Polynésie française, qui relève de la spécialité législative :
- ne sont en principe applicable que les dispositions législatives et réglementaires qui comportent une mention expresse à cette fin ;
- par exception, les textes intervenant dans certaines matières s'appliquent de plein droit.
La notion de “spécialité législative” ne doit pas être confondue avec celle de l'autonomie. Les TAAF sont par exemple régies par la spécialité législative mais ne sont pas dotées de l'autonomie.
Chaque modification d'un texte applicable doit être elle-même rendue applicable conformément à la jurisprudence CE, ass. 9 février 1990, Élections municipales de Lifou. Il en est de même en cas d'abrogation.
Les textes applicables de plein droit
Les domaines dans lesquels les lois et règlements nationaux s'appliquent de plein droit sont listés à l'article 7 de la loi organique statutaire.
Le Conseil constitutionnel considère que la liste figurant à l'article 7 de la loi organique n'est pas limitative et que les « textes qui, en raison de leur objet, sont nécessairement destinés à régir l'ensemble du territoire de la République » s'appliquent également de plein droit en Polynésie française (décision n°2004-490 DC du 12 février 2004).
Conformément à l'article 7 de la loi organique :
[…] sont applicables de plein droit en Polynésie française, sans préjudice de dispositions les adaptant à son organisation particulière, les dispositions législatives et réglementaires qui sont relatives :
1° A la composition, l'organisation, le fonctionnement et les attributions des pouvoirs publics constitutionnels de la République, du Conseil d'Etat, de la Cour de cassation, de la Cour des comptes, du Tribunal des conflits et de toute juridiction nationale souveraine, ainsi que de la Commission nationale de l'informatique et des libertés et du Contrôleur général des lieux de privation de liberté ;
2° A la défense nationale ;
3° Au domaine public et privé de l'Etat et de ses établissements publics ;
4° A la nationalité, à l'état et la capacité des personnes ;
5° Aux agents publics de l'Etat ;
6° A la procédure administrative contentieuse ;
7° Aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations de l'Etat et de ses établissements publics ou avec celles des communes et de leurs établissements publics ;
8° A la lutte contre la circulation illicite et au blanchiment des capitaux, à la lutte contre le financement du terrorisme, aux pouvoirs de recherche et de constatation des infractions et aux procédures contentieuses en matière douanière, au régime des investissements étrangers dans une activité qui participe à l'exercice de l'autorité publique ou relevant d'activités de nature à porter atteinte à l'ordre public, à la sécurité publique, aux intérêts de la défense nationale ou relevant d'activités de recherche, de production ou de commercialisation d'armes, de munitions, de poudres ou de substances explosives.
Sont également applicables de plein droit en Polynésie française les lois qui portent autorisation de ratifier ou d'approuver les engagements internationaux et les décrets qui décident de leur publication, ainsi que toute autre disposition législative ou réglementaire qui, en raison de son objet, est nécessairement destinée à régir l'ensemble du territoire de la République.
Exemples de mentions expresses d'application
Texte lui-même
→ la mention peut figurer dans le texte lui-même (par exemple) :
En général, les “dispositions outre-mer” sont regroupées à la fin des lois et des décrets (parfois dans un chapitre dédié).
Texte ultérieur
→ la mention peut figurer dans un texte ultérieur qui va “étendre” un texte déjà applicable dans l'hexagone (par exemple) :
Pour faciliter la lecture, la mention expresse peut être ajoutée dans le texte initial :
Lors de l'extension d'un texte à la collectivité, il prévoit généralement des adaptations ou “grilles de lecture”, pour tenir compte de la répartition des compétences ou des spécificités locales.
« compteurs Lifou »
Les “compteurs Lifou” sont une technique de rédaction des textes (légistique) qui vise à préciser la rédaction dans laquelle un texte s'applique (notamment si celui-ci a été modifié à plusieurs reprises).
Ce compteur est “mis à jour” à chaque fois qu'une modification doit être rendue applicable :
La mention « dans sa rédaction résultant du texte X » ne signifie pas forcément que tous les articles ont été modifiés par le texte X : pour les articles non modifiés, on prend leur dernière rédaction antérieure à ce texte
Dans les cas les plus complexes, le compteur est présenté sous forme de tableau :
Dispositions codifiées
La mention expresse “classique” est peu adaptée aux codes qui comportent un nombre important d'articles.
Les articles relatifs à l'outre-mer sont - dans les codes récents - regroupés dans une partie ou un chapitre dédié sous forme de “compteurs Lifou” :
Ils sont le plus souvent présentés sous forme de tableaux :
Explicitation de l'application de plein droit
Le Conseil d'État recommande, pour les textes applicables de plein droit (cf ci-dessus) de le mentionner explicitement (il ne s'agit cependant pas, sur le plan juridique d'une “mention expresse”) :
Légifrance permet de consulter la version consolidée (tel qu'applicable dans l'hexagone) de la plupart des textes.
Il est également possible de s'appuyer sur les études d'impact et les avis du Conseil d'Etat qui sont également publiés sur Légifrance (pour les textes législatifs).
L'applicabilité des lois et règlements avant 2004
Avant la loi organique du 27 février 2004, les différents textes statutaires régissant le statut de la Polynésie française prévoyaient l’application des textes nationaux dans deux conditions cumulatives :
- les textes pour lesquels une loi ou un décret a prévu cette applicabilité ;
- et qui ont fait l’objet d’un arrêté de promulgation au Journal officiel de la Polynésie française par le gouverneur ou le haut-commissaire.
En outre, la jurisprudence a dégagé la catégorie des « lois de souveraineté » (cf encadré ci-dessous) qui s'appliquent dans tous les cas.
Ces « lois de souveraineté » sont :
− les lois constitutionnelles ;
− les lois organiques, qui portent sur des matières non spécifiques à une collectivité ou à une catégorie de collectivités ;
− les règles relatives aux juridictions nationales ;
− les textes relatifs à la nationalité ;
− les textes portant statut des fonctionnaires de l'État et des militaires ;
− les lois autorisant la ratification ou l’approbation des traités et accords internationaux et les décrets qui en portent publication ;
− les lois ratifiant des ordonnances et ne comportant pas d’autres dispositions.
- le site LEXPOL comporte un moteur de recherche ;
- un tableau recensant les différents arrêtés de promulgation est consultable sur le site du haut-commissariat (rubrique “les textes promulgués”).